Etes-vous locavore ?


Vous êtes peut-être locavore sans le savoir, soit un pratiquant du locavorisme. Rassurez-vous. Rien de grave.

Derrière ce nom un peu barbare se cachent des habitudes alimentaires en plein essor. Ce n'est pas un nouveau concept. C'est même plutôt un retour aux sources : privilégier la consommation locale pour faire vivre les petits producteurs, mais pas que …

Parmi les modèles alimentaires dits éthiques, on peut citer le végétarisme, le végétalisme, le véganisme, mais aussi le locavorisme, qui prône la consommation de denrées (fruits, légumes, viandes, poisson, œufs, produits laitiers, céréales…) produites dans un rayon restreint autour de son domicile. En termes de périmètre, les approches varient. Pour les puristes, on se limite à 160 km. D'autres s'accordent jusqu'à 500 km. Dans tous les cas, exit les produits étrangers et non saisonniers ! Priorité aux producteurs de la région et aux saveurs de saison !

Ce courant, apparu aux Etats-Unis au milieu des années 2000, s'inspire du localisme, mouvement qui consiste à privilégier le local à tous les niveaux, ce dans le but de favoriser l'économie de proximité, la démocratie participative et la cohésion sociale.

Le localiste, ancêtre du locavore

Déjà au XIXe siècle, certains penseurs faisait la promotion du localisme, un mouvement faisant l’apologie de tout ce qui est local aussi bien les produits, que les emplois, les industries ou la nourriture.
C’est en 1980 que l’idée de manger local naît. À cette époque, un anglais, Tim Lang évoque la notion de « food miles », kilomètres alimentaires. Dès lors, le mot locavore apparaît et commence à regrouper des partisans. Aux États-Unis le mouvement connaît un véritable essor. À tel point que le mot « locavore » entre dans le New Oxford Dictionary en 2007.
Et pour plus de 70% des Français interrogés, il est important de consommer local.

Les motivations du locavore

Les locavores aspirent à consommer plus intelligemment. Ils ont conscience de certaines aberrations de l'industrie agroalimentaire et des aspects négatifs de la mondialisation, entre productions intensives, abus de pesticides et dangers des OCM. Ils mesurent l'impact du transport, générateur d'émissions de CO2 et des marges appliquées par les distributeurs. Les locavores cherchent à lutter contre ces contresens au quotidien. En privilégiant les produits locaux, ils favorisent l'économie locale et la survie des petits producteurs. Ils cherchent à réduire leur empreinte carbone et la pollution liée aux emballages. Ils envoient également une forme de signal politique incitant à une prise de conscience collective.

Consommer plus sainement 

Les locavores se veulent des consommateurs responsables, partisans de l'écocitoyenneté et du développement durable. Ils se détournent de la grande distribution, des produits transformés, de l'industrie agroalimentaire et de ses travers. Ils se tournent vers des produits de meilleure qualité, plus riches nutritionnellement et gustativement. Ils aspirent à consommer plus sainement, dans le respect des saisons, de la biodiversité et de l'environnement. Et la proximité avec le producteur leur assure une meilleure traçabilité.

Consommer autrement 

C'est aussi l'occasion de découvrir des légumes d'antan réintroduits dans les assiettes ou des spécialités du terroir oubliées et remise au goût du jour. Et le locavore a le droit de consommer du café, du thé, du chocolat ou des épices, cet écart porte un nom : les exceptions Marco Polo.

Où et comment s'approvisionner ?

Adeptes de l'achat direct auprès des producteurs, certains locavores gèrent même leur propre potager ou effectuent leur cueillette dans des exploitations voisines. Ils dénichent sur internet les bonnes adresses de la vente directe et les bons tuyaux se transmettent par le bouche-à-oreille. D'autres se regroupent pour mutualiser leurs achats et bénéficient ainsi de tarifs dégressifs. Ils se tournent vers les AMAP, associations pour le maintien d'une agriculture paysanne. Ils peuvent se faire livrer directement des paniers préalablement commandés sur des sites internet dédiés. Ils fréquentent les magasins Bio, mais dont tous les produits ne répondent pas forcément à leurs critères.

La grande distribution a flairé le filon

Axe de développement du chiffre d'affaires, on voit fleurir dans les rayons des grandes surfaces, des gammes et des marques spécifiquement consacrés. Mais il n'existe pas de label officiel validant une origine locale.

Les industriels se sont saisis du mot, ou de l’idée, il y a bien longtemps déjà, et ne pouvant la breveter, en ont fait des marques diverses et variées, n’hésitant pas à dérober la notion de « label » – pourtant fermement encadrée par la loi. Mais ne soyons pas dupes, et regardons ce que cachent les marques et appellations diverses et variées. 


Les mentions "terroir" ou "régionale" n'offrent aucune garantie. Il convient de privilégier les AOC (Appellations d'Origine Contrôlée) ou les AOP (Appellations d'origine protégée), voire les IGP (Indications géographiques protégées).



Ce qui se cache ou ne se cache pas sous le vocable "local"

Je pense que les populations, selon qu’elles soient urbaines ou rurales, n’ont pas la même appréhension du localisme.

Pour l'urbain, les comportements de vente et d'achat sont très différents les uns des autres et pas seulement à cause de la taille de la ville. En effet, quoi de commun entre l'approvisionnement de la capitale et celui d'une petite ville de province ? Nourrir 30 000 ou 10 millions de personnes ne développe pas les mêmes problématiques.

Interrogeons-nous alors sur le rôle et les possibilités du consommateur  associé à chacun de ces territoires ! Doit-on lui expliquer la même chose ? Doit-on l'affubler de la même responsabilité au regard de l'avenir de la planète ?

Considérons le territoire français et prenons en compte les différences climatiques et géographiques de notre pays pour comprendre certains des enjeux du local.

Comment parler à l'unisson d'un localisme quand les carottes et les pommes de terre font face aux poivrons et aux aubergines ? Les pommes dans le Nord et les abricots dans le sud. Le poisson sur les côtes. Rien d'exceptionnel me direz-vous. C'est vrai si nous parlons en terme de production, mais en terme de consommation, comment faire ?

Doit-on demander aux habitants du Nord Pas de Calais de se priver d'abricots et de pêches ? Et aux parisiens de délaisser totalement le poisson ? A moins bien sûr de considérer que la tomate est un légume breton et la fraise un fruit picard ...Les serres font des miracles de nos jours.

Et la fraicheur du produit...

On peut préférer consommer local pour tous les motifs évoqués ci-dessus, mais concernant la fraicheur du produit on peut se poser des questions : Le délai d'acheminement d'une tomate marocaine par transport maritime ou terrestre, est de l'ordre de trois jours. C'est un transport qui respecte la chaîne du froid. Le maraîcher local a-t-il le temps de cueillir et de conditionner la veille pour le marché du lendemain, surtout s'il enchaîne trois marchés successifs ?

Les détracteurs du locavorisme

Les locavores ont leurs détracteurs, pour lesquels les avantages du consommer local sont difficilement quantifiables et surtout discutables. Ils estiment que le coût de l'alimentation est plus élevé et que c'est source d'une grande perte de diversité alimentaire.

Selon eux, le mouvement n'est pas viable à grande échelle, les cultivateurs et producteurs locaux ne pouvant pas répondre à la demande d'une population en constante augmentation.

Et ils pointent du doigt les impacts environnementaux du consommer local qui ne seraient pas aussi positifs qu'on veut bien le laisser croire. Ils estiment également que cesser d'importer certains produits alimentaires (bananes, café, riz, etc.) est un frein pour l'économie des pays en voie de développement ou émergent.

Les paradoxes du local …en Ile de France

  • Il n'a pas de frontières faciles à tracer : tout dépend de son arrondissement de résidence. Au centre de Paris, on est plus proche de Bruxelles que de Brest … et au Nord, plus proche de l'Oise que du sud de la Seine-et-Marne. On peut donc sortir d'Ile-de-France et encore consommer local !
  • Il n'est pas toujours propre : certes, il voyage moins … mais il est rarement bio en Ile-de-France,
  • Il n'est pas forcément délicieux : comme toujours, la variété et les savoir-faire jouent, encore plus sur les productions transformées artisanales,
  • Il n'est pas toujours moins cher : tout dépend du circuit de vente… d'où la primauté des circuits courts, mais parfois contraignants.

A chacun de se faire son opinion et de faire son choix …