LES LAVANDIERES


Dites-nous grand-mère : autrefois, la lessive : le jour de «la bue»



Par nécessité, étant donné l’absence de tous les moyens électroniques que nous connaissons, mis à la disposition de tous aujourd’hui de façon individuelle et collective , nos grands-parents étaient comme nous confrontés à l’obligation de laver leur linge.

Certes, ce n’était pas le même : tissés en rude tissu de coton , de lin ou de chanvre, leurs vêtements, à la campagne consistaient en chemises, pantalons pour les hommes, robes et jupons pour les femmes. Et encore, tout cela n’était pas lavé tous les jours.


C’est dire l’importance de la lessive tout le XIXe et durant toute la première partie du XXe. Paris, au XXe siècle, va employer 60 000 personnes à l’entretien du linge.

Des cartes postales, de 1906 et 1908

Elles nous montrent la place des lavandières dans notre village, manifestée par «le char des blanchisseurs» lors de la cavalcade de 1908.Constatons tout de même que notre village n’offre pas contrairement à d’autres , parfois bien plus petits, de lavoir municipal couvert. Cette question fait l’objet d’un passage du livre du Dr Marest : «Perray et Perrotins» qu’il intitule : «la guerre du lavoir».

Cet épisode de l’histoire locale illustré par des débats au sein du Conseil Municipal , se situe entre 1876 et 1902.

A cette époque, le Syndicat des Eaux de Versailles s’émeut du risque (qui ne fut nullement avéré) de pollution des eaux qui menaient à la ville du fait de l’utilisation de l’étang du Perray par les ménagères pour laver leur linge. La raison semble être qu’à l’époque encore (ce n’est plus le cas depuis la construction de la ville nouvelle de Saint Quentin en Yvelines), les eaux provenant des étangs et rigoles dites «chaînes des étangs» qui avaient été creusés sur ordre de Louis XIV, drainaient les eaux, donc celles des étangs du Perray vers Versailles où elles devaient alimenter les fontaines du parc et probablement une partie de la ville.

Malgré un projet de construction par l’État d’un lavoir municipal qui aurait été situé selon le conseil trop loin de la plupart des habitations car sur la commune d’Auffargis (qui d’ailleurs n’avait pas été consultée), celui-ci ne vit jamais le jour et bien que tardivement relancé en 1902 fut de fait abandonné. Et les ménagères continuèrent d’aller laver leur linge à l’étang…

Il fallait les voir, tôt le matin, les brouettes chargées de linge se diriger en plusieurs endroits de la commune, dont :

L’actuel étang du Perray

Il semble surtout avoir été utilisé sur la partie à l’extrémité de la digue où se situe l’édifice abritant les vannes et qui surplombe «le haricot» ou déversoir, sur la partie de la rigole qui se déverse là dans l’étang.

Les lieux sont identiques et c’est l’occasion d’une balade à pied contournant l’étang sur cette partie maintenant accessible et donc probablement par là que venaient les femmes chargées de leur linge et traversant l’ancien passage à niveau de la rue du Moulin.

Une autre carte postale nous montre plusieurs femmes utilisant tout leur matériel : petits pontons en bois permettant d’accéder directement à l’eau ou baquets «garde-genoux» dans lesquels elles se penchaient pour mouiller le linge puis le battre avec un battoir en bois. C’est situé sur la partie dégagée de l’étang, au niveau du «parcours sportif».On y voit d’ailleurs à l’arrière-plan le bourg plus visible qu’aujourd’hui avec le clocher de l’église car il n’y avait pas les arbres.

L’abreuvoir

En ce temps-là, l’étang du Perray était beaucoup plus vaste qu’aujourd’hui puisqu’il débordait de l’autre côté de la voie de chemin de fer, occupant l’emplacement de l’actuel Champ de Foire, comme le montre une carte postale datée du 14 juillet 1908 où l’on voit que cette partie de l’étang, située entre la route et le chemin de fer, sert d’abreuvoir au bétail.

Une autre carte extraite de l’ouvrage «Le Perray en 1900» édité en 2000 par Maury imprimeur, nous présente l’extrémité de cette pièce d’eau (située presque jusqu’au N° 66 de la rue de Paris), avec en arrière-plan la perspective des maisons et «où officie madame Lamireau, que vous voyez agenouillée, le battoir à la main»,carte postale datée du 26 juillet 1906.

Le lieu est matérialisé par l’actuelle rue de l’Abreuvoir, qui borde le Champ de Foire, car c’était alors la limite de l’étang du Perray.

Sur une autre carte du même endroit, on voit que le linge une fois nettoyé dans l’eau est placé sur un support fait on suppose de branches d’arbres dressé au-dessus du sol par de grandes perches en bois, pour sécher.

Près du pont de la rue de la Grimace

Signalé par madame Deysset (née en 1898, témoignage dans le livre du Dr Marest) : «un petit lavoir avait été installé sur la rigole de Coupe-Gorge, près du pont de la rue de la Grimace».Ce petit lavoir fut aménagé l’année même de la naissance de Madame Deysset, en 1898.

D’autre part, toujours selon le même auteur : «on conduisait en tapissières à l’Etang-Neuf en forêt de Rambouillet, les lavandières de notre commune».

Un peu «d’histoires d’eau» et de «bue»: la grande lessive

La commune disposait alors de deux puits publics et d’innombrables mares qu’il ne fallait pas dénaturer par le lavage du linge.

Le lavage du linge, s’il n’avait pas lieu chez soi où l’on ne disposait pas alors de l’eau courante, ne se faisait pas simplement en trempant le linge dans l’eau puis en l’essorant avant de le faire sécher. Pour ma part (à 67ans), je me souviens parfaitement de ma grand-mère maternelle, en Vendée, le lundi «jour de la lessive». Elle mettait son linge à bouillir dans une très grande lessiveuse, posée sur ce qui devait être un feu de bois, dans la cour de sa maison. Un tuyau, positionné au fond de la lessiveuse se terminait au-dessus du linge par une sorte de champignon troué. L’eau bouillante remontait dans le tuyau et retombait en pluie sur le linge.

Il reste la question des produits utilisés pour le lavage et qui en-dehors de la saleté propre au linge, devaient préoccuper nos édiles du syndicat des eaux de Versailles...Le savon de Marseille...Déjà ! Et la boule de bleu ; Il me semble aussi que ma grand-mère mettait de la cendre de bois , dans sa lessiveuse...Enfin, je crois.

Dans nos contrées on pouvait utiliser de la cendre de bruyère. Ensuite, je n’en ai plus de souvenirs, car certainement qu’elle nous éloignait, nous ses petits-enfants de cette «marmite du diable» si dangereuse pour nous.

Mais s’il fallait le transporter à la buanderie ou ce qui en faisait office pour le brosser énergiquement à la brosse de chiendent avant de le tremper à l’eau claire. Après avoir été tordu pour en évacuer l’eau, le linge était étendu sur de grands fils tendus sur des poteaux de ciment et attaché avec des pinces en bois.

Pour celles qui ne disposaient pas d’autant de place que ma grand-mère mais de champs aimablement prêtés par les voisins pour la circonstance, le linge était simplement mis directement sur l’herbe et en séchant gardait la bonne odeur des prés.

D’autant que nos grands-mères aimaient , après avoir repassé leur linge avec des fers qui chauffaient sur la cuisinière, l’imprégner de lavande ou autre parfum, avant de la placer par piles dans les grandes armoires en bois ouvragées qui faisaient l’orgueil de la maîtresse de maison(avec le linge !) et se transmettaient de génération en génération.

Au temps béni des « cancans »

En fin , si l’on veut car le travail était dur et ce n’est pas «la Mère Denis» qui me démentira avec «C’est ben vrai, ça !».

Car beaucoup de femmes étaient employées par d’autres pour cette corvée qui s’étendait sur plusieurs jours. De coutume, raconte-t-on, mais cela ne devait l’être qu’en certaines régions, «la patronne» pour qui on lavait le linge, apportait à goûter et le litre de vin à 4heures !..

Mais c’est vrai que les lavoirs étaient aussi des endroits où les femmes -une des rares fois alors où elles pouvaient se trouver qu’entre elles- en profitaient pour s’échanger tous les potins du coin.

Enfin , le savez-vous ? C’est en France, en 1938 à Wattrelos dans le Nord , chez «Flandria», que la première «barboteuse» a été conçue.

Enfin j’extrais ce qui pourrait être «le mot de la fin» d’un blog trouvé sur le net («le blog de couvmenette») cette phrase : Dans certains lavoirs , on pouvait lire cette inscription :

«Ici on blanchit le linge et on salit le monde»…

L’impasse des Lavandières :

Elle se trouve entre l’Allée des Alouettes et celle des Colverts et donne dans la rue d’Auffargis et débouche dans l’étang du Perray.


Texte et recherche de Jean-Luc Simon